Site internet – location financière – one-shot – droit de rétractation – la Cour de Cassation prend position
L’une des grandes batailles des dernières années dans laquelle je m’efforce d’apporter mon énergie est bien l’arnaque dite « one-shot » en matière de vente de site internet.
Pour rappel, l’arnaque « one-shot » correspond au fait pour un commercial de « forcer » à la signature du contrat en un seul RDV.
Cette pratique est largement répandue en matière de vente de site internet & location financière par diverses sociétés.
Pour inciter à la signature, de grandes promesses sont faites :
vous êtes un ambassadeur… | le tarif est donc exceptionnel ! |
il expire à la fin du RDV … | pas le temps de réfléchir ! |
votre chiffre d’affaire va tripler… | quelle aubaine ! |
Sitôt le contrat signé qu’il vous engage avec un bailleur financier – une banque donc – sur un prêt de 48 mois irrévocable.
La vérité est même que cette banque a déjà réglé l’ensemble des loyers à votre prestataire de site internet!
Votre site coûte bien trop cher – vous serez déçu – comment s’en dépêtrer ? Deux solutions:
L’une, de fond, consiste à dénoncer l’arnaque : vice du consentement, pratique trompeuse, nullité du contrat.
L’autre, de procédure, consiste à profiter de ce que la Loi a tenté de mettre en place pour combattre cette pratique : le droit de rétractation.
Et les choses évoluent ; tour d’horizon.
I. Site internet & location financière : droit de rétractation pour les TPE, PME, professions libérales, autoentrepreneurs
Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts
Article L.221-18 du code de la consommation
Ce texte profite au consommateur, alors que les cibles en matière de vente de site internet en one-shot sont évidemment les entreprises et travailleurs à leur compte.
L’ordonnance du 14 mars 2016 renforçant la Loi HAMON a donc ajouté l’article 221-3 afin que le droit de rétractation profite au contrat passé entre:
entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Article L.221-3 du code de la consommation
L’article semble clair : si l’objet du contrat (création d’un site internet) ne correspond pas à l’activité principale du client, le droit de rétractation existe.
II. Droit de rétractation des TPE, PME entériné par la jurisprudence
Malgré la clarté du texte et l’objectif sincère du législateur, protéger les travailleurs, la jurisprudence fut parfois hésitante.
Certains tribunaux ont continué d’appliquer l’ancienne règle prétorienne selon laquelle l’objet du contrat entre dans le champ d’activité du client s’il lui est profitable.
La Cour de Cassation, par arrêt du 12 septembre 2018 publié au bulletin, juge:
Attendu que la société Cometik fait grief à l’arrêt d’anéantir les effets du contrat, de la condamner à rembourser à Mme X… les sommes par elle versées en exécution de celui-ci et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que l’objet d’un contrat entre dans le champ de l’activité principale du professionnel lorsqu’il participe à la satisfaction des besoins de l’activité professionnelle ; que la cour d’appel a elle-même retenu que le contrat conclu le 17 juillet 2014 par Mme X… portait « notamment sur la création d’un site Internet dédié à son activité » ; qu’en retenant pourtant que ce contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code ;
L’attendu des juges est clair: le droit de rétractation est reconnu.
III. Location de site internet one-shot, droit de rétractation des professionnels : défendez vous!
Si cette nouvelle jurisprudence est heureuse, le combat n’est pour autant pas terminé.
En effet, bon nombre de sociétés de vente ou de location de site internet continuent l’arnaque one-shot ou même de refuser le droit de rétractation.
En cela, je maintiens que les entrepreneurs doivent se défendre.
Tout d’abord, car ils peuvent ne pas/plus avoir le droit de se rétracter mais tout de même être victime de l’arnaque one shot : une action en nullité sera alors possible.
Ensuite, car le droit de rétractation devra être sollicité en Justice.
Il est malheureux de constater que beaucoup de personnes, particuliers ou professionnels, se sont vues condamner car se sont mal défendus et se retrouvent aujourd’hui encore à payer, malgré la réalité de l’arnaque.
Dans cette hypothèse, n’hésitez pas à consulter et éventuellement agir.
Rémi Giroutx, votre Avocat au barreau de LILLE & dans toute la France