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Droit bancaire

Sociétés de recouvrement de créances et forclusion : que faire ?

Fév , 3
Sociétés de recouvrement de créances et forclusion : que faire ?

Les sociétés de recouvrement de créances sont des entités chargées de recouvrer les dettes des particuliers.
Pour être précis, il s’agit du cœur de l’activité de ses sociétés.
Ces dernières « rachètent » des portefeuilles de dossiers de créances impayées auprès des banques.
(crédit à la consommation, prêt étudiant, découverts non remboursés, …)
Ensuite, ces entités se chargent de recouvrer les dettes et l’argent récupéré constitue leurs bénéfices.
C’est ainsi qu’elles s’enrichissent.
Comment est-ce possible ?
La raison est fort simple mais bien peu avouable : la créance est, en générale, éteinte par l’effet de la Loi.
La banque est alors déchue de ses droits, la dette étant éteinte par effet de la prescription ou de la forclusion.
C’est alors ces sociétés de recouvrement de créances rachètent ces dossiers de dettes à moindre coût … puis essaient de forcer les débiteurs au paiement.
Chaque paiement effectué est un bénéfice pour la société de recouvrement.
Des méthodes de forcing sont, évidemment, fortement nécessaires.
L’émission « CASH INVESTIGATION » a d’ailleurs mené une enquête extrêmement révélatrice à ce sujet par son numéro intitulé « Nos Très Chères Banques ».
Un article au sujet des pratiques des sociétés de recouvrement s’impose alors.
Comment les décrypter ? Comment réagir ? Réponses.

1. PRESCRIPTION ET FORCLUSION : EXPLICATIONS

–          La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.  

Le droit commun est de 5 ans.

Si, passé ce délai, le titulaire du droit n’a intenté aucune action, alors il perd l’ensemble de ses droits substantiels.

Aucune action ne sera plus possible.

–          La forclusion, en revanche, est un délai préfix : il met un terme un droit processuel de son titulaire.

Ce délai est, en général, plus court que le délai de prescription.

Ce délai est sévère : le créancier perd son droit d’action s’il n’a pas agi dans le délai imparti.

(ex : le droit d’appel est un délai de forclusion ; il est d’un mois en matière civil ; passé ce délai, aucune action n’est possible, même si le droit n’est pas prescrit !)


Quelles différences ?

–          Le délai de prescription peut être suspendu ; il peut également être interrompu en cas de reconnaissance de dette ou d’action en justice.

–          A l’inverse, le délai de forclusion répond à un régime juridique particulier et strict.

Les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les dispositions applicables à la prescription

Article 2220 du code civil

En d’autres termes, puisqu’il met un terme au droit d’agir du créancier et protège le débiteur, le régime juridique du délai de forclusion est très strict.

Seule une action en Justice permet de l’interrompre et il ne peut jamais être suspendu.

Appliqué en matière de créances, le délai de forclusion peut s’avérer fort pratique.

2. PRESCRIPTION ET FORCLUSION EN MATIERE DE CREANCES

Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par :

-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;

Article R.312-35 du code de la consommation

Egalement en ce sens:

L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Article L.218-2 du code de la consommation

La Loi est claire : l’action des banques en recouvrement de créances est prescrite ou forclose dans un délai de 2 ans.

Passé ce délai, le « débiteur » ne doit plus aucune créance : il est libéré de sa dette.

3. SOCIETES DE RECOUVREMENT DE CREANCES : COMMENT AGISSENT-ELLES MALGRE LA FORCLUSION ?

Si la banque a constaté la forclusion de votre dette, il est fortement possible qu’elle cesse toute relance.

C’est alors qua les sociétés de recouvrement de créances agiront, en dépit de la forclusion.

En effet : ces sociétés « rachètent » les dossiers de dettes prescrites ou forcloses et se chargent, en toute mauvaise foi, de forcer au recouvrement.

Pour ainsi dire, jamais la société de recouvrement ne vous informera de votre droit, alors qu’elle en a parfaitement conscience.

L’émission CASH INVESTIGATION est ici précieuse.

Elle démontre que ces sociétés ont conscience de l’extinction de la dette et de leur caractère indu, mais sollicitent tout de même le règlement.

Est alors établie une stratégie, résumée selon cette « do to list » récapitulant, de manière générale, les pratiques usitées:

  • Faires des relances pouvant laisser croire à des courriers d’huissier,
  • user de titre tel que « ultime relance« , « ultime sommation avant poursuites« , etc.
  • appels téléphoniques incessants,

  • faire croire à leur intervention bénéfique, pour « trouver une solution »
  • dire que vous êtes leur client, et non leur débiteur,
  • laisser penser qu’ils sont là pour vos aider

Si ces sociétés avaient pour but réel de vous aider, alors l’information de la forclusion de la dette serait nécessairement donnée.

En vérité, aucune créance n’est exigible aux yeux de la Loi et cette société propose son « aide » dans l’unique but de gagner de l’argent indu.

Il s’agit, sans détour, de pratiques malhonnêtes.

4. Sociétés de recouvrement de créances : comment opposer la forclusion ?

4.1 : Ne pas payer!

Il s’agit ici d’un préalable : ne jamais payer.

En l’occurrence, lorsqu’un client me saisit d’un tel courrier, mon premier réflexe est systématique.

Il s’agit d’adresser une mise en demeure à ladite société de recouvrement de me justifier de la créance et de ce qu’elle n’est pas éteinte.

A coup sûr, aucune réponse ne sera jamais formulée et le dossier sera classé.

Toutefois, comme l’émission de France 2 le révèle, ces sociétés de recouvrement « ont l’éternité pour elles ».

Il n’est pas rare qu’elles continuent inlassablement les relances, appels téléphoniques, en espérant que le client paiera pour avoir la paix.

En cas d’appels répétés malgré indication de la forclusion, il demeure une solution :

=> déposer plainte pour appels téléphoniques malveillants,

=> saisir le juge civil et faire constater la forclusion,

=> Solliciter la condamnation de la société de recouvrement pour abus de droit.

4.2 Si j’ai payé ?

Si, vous pensant débiteur, vous avez procédé à un règlement suite aux relances, il demeure une solution.

En effet, il n’est pas à exclure que le paiement ait été opéré du fait des pratiques abusives de la société de recouvrement de créances d’une part, et du manque d’information quant à la forclusion d’autre part.

Or, un tel comportement peut s’apparenter à une faute engageant la responsabilité civile de la société de recouvrement.

En ce sens, le paiement effectué s’apparentera au paiement de l’indu.

Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

Article 1302 du code civil

Le texte est clair : un paiement suppose une dette.

Si la dette est forclose, elle n’existe plus ; l’action en répétition de l’indu est ouverte.

Pour s’y opposer, la société de créances pourraient prétendre que le paiement fut volontaire et qu’il ne peut donc y avoir droit à répétition (remboursement).

Mais le paiement n’est pas volontaire : il est tronqué, vicié, forcé.

Le code civil dispose alors :

Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants

Article 1112-1 du code civil

Cela signifie encore que la réticence dolosive de la société de recouvrement, qui a usé de stratagèmes afin d’obtenir paiement , confine à une faute civile engageant sa responsabilité.

Le particulier qui a payé pourra alors saisir la juridiction civile pour :

=> faire constater la forclusion de sa créance,

=> dénoncer le comportement de la société de recouvrement de créances,

=> solliciter un dédommagement en contrepartie, notamment le remboursement.

Pour plus d’informations, contactez moi : Rémi GIROUTX, votre Avocat à LILLE et dans toute la France.

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